Interview réalisée par Orianne Castel, paru en juillet 2024, dans Art-Critique.
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Alain Sicard vit et travaille à Paris. Son œuvre a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles et collectives en France. Peintre, il traduit dans son langage pictural des choses vues. Ces éléments proviennent de son environnement qui, pour ce féru de peinture, est aussi celui des musées et des galeries. Dans cet entretien, nous évoquons sa conception de l’hommage et poursuivons ainsi notre série « hommages, pastiches et citations ».

Orianne Castel : J’aimerais commencer cet entretien sur la question de l’hommage, du pastiche et de la citation en peinture en vous demandant quels artistes vous ont donné l’envie de devenir peintre.

Alain Sicard : Mes amours de jeunesse furent nombreux. Magritte, Dubuffet, Tapies, De Kooning, Stella, Ryman, et Beuys dont j’ai acheté une œuvre quand j’avais vingt-cinq ans. Souvent, je me projette dans l’œuvre d’un artiste en me disant : « Voilà, j’aurais aimé faire l’œuvre de… »
On Kawara, par exemple, car j’aurais aimé un jour pouvoir régler définitivement la question de l’acte créatif comme il l’a fait. Au lieu de ça, je pars à l’atelier en me demandant à chaque fois ce qu’il va bien m’arriver. J’ai accroché dans mon atelier un petit dessin de Sempé, tel un manifeste : on se trouve dans un jardin bucolique et, au centre de l’image, un Peintre, pinceau dans la main droite, palette garnie dans la main gauche, s’apprête à immortaliser la scène. Derrière lui, deux dames l’observent. Celle qui semble être sa femme dit à l’autre : « C’est ce moment où tout est encore possible que j’apprécie le plus. »

O.C. : Vous visitez je crois beaucoup d’expositions où vous venez vous imprégner des œuvres et parfois certains aspects de celles qui vous ont le plus marqué ressurgissent dans vos peintures. Quel rôle joue le temps dans ce processus ?

A.S. : Je me sens proche de ces papillons qui se chargent de la lumière du jour pour la diffuser la nuit.
Cette fonction de « batterie picturale » est d’abord née d’une fréquentation frénétique des Musées. Les œuvres qui s’y trouvaient ont été comme absorbées et parfois photographiées pour en garder une trace encore plus pérenne. Par contre, je ne convoque jamais sciemment une ou plusieurs œuvres pendant une séance de travail. Je suis spectateur de surgissements, de réminiscences, qui m’étonnent moi-même, et j’ai même parfois du mal à en nommer les référents, ou comme j’aime à le dire : je les ai sur le bout de la langue !

O.C. : Dans votre dernière exposition, l’exposition ETC. à l’ahah, vous aviez placé deux vidéos en regard de vos œuvres et de celles des deux amis qui exposaient avec vous. Ces vidéos étaient des boucles d’images d’œuvres que vous aviez prises en photo dans différents musées. Toutes n’étaient pas des œuvres qui vous avaient influencé, vous vous étiez même autorisé à en modifier certaines. Est-ce une pratique courante dans votre démarche ? À quoi correspond ce geste, est-on cette fois du côté du pastiche ?

A.S. : Ma pratique photographique devant les œuvres des musées remonte à près de vingt ans. J’ai constitué une banque de plus de deux mille images. Elles restituent soit le tableau ou la sculpture dans son entier, soit un fragment, sans oublier les salles qui les abritent. L’étonnement, l’adhésion, le rire, le rejet sont autant de moteurs du déclenchement photographique. Je m’autorise même à retoucher les couleurs de mes photographies, et ainsi à délibérément trahir les œuvres, dans un souci mélioratif très personnel !
Pour l’exposition ETC. à l’ahah #Moret, en juin dernier, j’ai proposé une sélection de ces images recentrées sur le thème de la figure en peinture, diffusée sur un premier écran, et sur celui de la figure en sculpture, diffusée sur un second écran. Le rythme de la succession des images était.../...