.../...Pendant très longtemps, j’ai pratiqué la peinture, guidé par une technique de travail très méthodique et aliénante.
Sur une feuille de papier lisse, dont le format était défini au préalable, j’étalais uniformément un liant liquide. Dans le frais de celui-ci, j’exécutais en quelques minutes, une première peinture. Une sorte de tour de chauffe, qui la plupart du temps, se révélait insatisfaisant. Je réhumidifiais alors la surface de mon papier, détruisais cette première étape par plusieurs passages de rouleau à peindre, et démarrais, sur la même feuille, une deuxième peinture. En s’amalgamant, elle se nourrissait des couleurs de la première étape. Ainsi, ma séance de travail ressemblait à une succession de réalisations/destructions de peintures, en un nombre d’étapes, que mon insatisfaction seule, prolongeait. Lorsque je pensais « tenir » quelque chose, la feuille était couchée sur la table à plat. Cette décision était irrévocable, car une fois sèche, je ne pouvais apporter aucune modification, aucun repentir. Au terme de la séance, en examinant l’œuvre terminée, j’étais habité par plusieurs sentiments concomitants : le regret de ne pas avoir produit d’autres étapes supplémentaires, le remords de ne pas m’être arrêté à l’étape précédente, qui me semblait bien meilleure, ou la satisfaction, bien qu’incertaine, du résultat, arrivé au juste moment.
Ce processus m’est souvent apparu comme manquant de détermination. Cela correspondait au refus de faire confiance au premier jet. Quand aurais-je la force de peindre sans les hésitations, les regrets, les remords, les renoncements ?
Je me rêvais, dans la réalisation d’un geste unique, à l’orientale, pensé, exécuté dans son unicité, interdisant toutes alternatives.
Les premières tentatives ont eu lieu à partir de 2020. Pas en un coup, mais progressivement, sur certains formats. On ne se débarrasse pas ainsi d’années de pratique. Une forme de maturité picturale, une confiance dans mon geste, ma main sont advenues. Cette technique de travail ancienne ne sera pas forcément abandonnée, mais la conscience que je peux faire sans, représente une avancée déjà très significative.
Je sens que modestement, ma « Fertilité », n’est pas loin.
J’espère vivre suffisamment longtemps pour en jouir !
|