Interview réalisée par Orianne Castel, paru en juillet 2024, dans Art-Critique.
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.../...suffisamment rapide pour que le spectateur ait à peine le temps de reconnaître et d’identifier les auteurs des œuvres. J’ai visité, il y a quelques années, la Fondation Hombroich près de Düsseldorf, prévue pour être parcourue sans cartel. J’aime cette perte de repères, de référents.
O.C. : J’ai vu un de vos post instagram dans lequel vous écriviez, à propos d’une acrylique sur papier réalisée le vendredi 29 mars 2024, « La peinture fut réalisée en 14 minutes, le temps exact du concerto « A la mémoire d’un ange » de Berg écouté simultanément. » Considérez-vous cette œuvre comme un hommage à Berg, pourriez-vous nous dire à quel point la musique vous influence et, plus difficile à expliquer sans doute, quelle différence faites-vous entre une influence musicale et une influence picturale, comment vous en emparez-vous ?
A.S. : Lorsque l’on visite mon atelier et que l’on découvre ma collection de disques vinyles, on me pose inévitablement la question du rôle de la musique dans ma pratique picturale. J’ai une pratique sportive, je nage toutes les semaines une heure avec un lecteur MP3 sur les oreilles. Jamais la musique n’interfère dans mes mouvements de natation. Dans mes séances de peinture, c’est la même chose, j’aime travailler en musique sans que celle-ci ne joue un quelconque rôle dans le résultat.
Par contre, l’histoire de la musique et des musiciens, comme certains aspects dans l’histoire de l’art, m’a fortement influencé. Un jour, dans un documentaire consacré à Henri Dutilleux, celui-ci expliquait qu’à la table, il lui arrivait que la main aille plus vite que la tête. Beaucoup de peintres racontent cela, mais j’ignorais qu’en composition musicale, ce que tous les artistes reconnaissent comme un état de grâce survenait également.
La découverte, il y a de nombreuses années, de la musique de l’argentin Maurizio Kagel a contribué également à façonner ma pratique. La question du malaise qu’il aimait que le public ressente à l’écoute de ses compositions m’a toujours étonné.
O.C. : Vous avez, en mai de cette année, réalisé une série de peintures que vous avez mises en relation avec les éléments architecturaux de Carlo Scarpa dont l’œuvre vous fascine depuis longtemps. Cette association vous est-elle venue après ou pensiez-vous à Scarpa en peignant ?
A.S. : Ce sont des lectures postérieures à la séance de travail, ni exhaustives, ni définitives. Je propose dans ce cas un regard croisé avec des formes qui hantent ma peinture et qui, à ce moment-là, ont, de mon point de vue, orienté mes œuvres. J’apprécie beaucoup lorsque l’on m’évoque une référence à laquelle je n’avais jamais pensé. Ce sont les regardeurs de mes peintures qui ont toujours raison, une peinture appartient à celui qui la regarde !
O.C. : En dépit des formats, couleurs ou matières qu’on peut imaginer empruntés à d’autres, on reconnaît toujours votre signature. À votre avis, à quoi cela tient-il ? Dans quel « endroit » réside votre style propre ?
A.S. : J’aime ce que vous me dites là car j’ai perpétuellement l’impression de produire une œuvre incohérente. L’identité de mon travail me vient toujours du regard des autres. Dans le même temps, je me méfie, pour ne pas le dire autrement, des œuvres « produits ». Une sorte de Concours Lépine de l’œuvre d’art, que ma pratique m’épargne : dès qu’un semblant d’habitude, de tic visuel semble pointer le bout de son nez, je me lasse, m’ennuie et fuis. C’est au fond très commode !
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