Interview réalisée par Orianne Castel, paru en juillet 2024, dans Art-Critique.
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O.C. : Pour moi, l’hommage est l’exercice le plus difficile car il ne faut pas disparaître sous la référence, ça doit rester un dialogue. Est-ce également comme cela que vous le concevez ? Vous est-il arrivé de jeter une œuvre car ce n’était pas vous mais l’artiste que vous admiriez qui l’emportait dans la composition finale ?

A.S. : Oui, cela se produit encore de temps en temps. C’est un processus de digestion et d’évacuation qui fait partie du travail de l’artiste. Contrairement à mes débuts, je supporte plus ce type de mésaventure, et je sais peut-être maintenant mieux l’accepter, m’en amuser pour enfin l’évacuer.
Je suis alors davantage dans l’hommage.

O.C. : Un des traits caractéristiques de votre travail, et ce même s’il ne suffit pas à lui seul à expliquer l’impression de cohérence de votre œuvre, est votre support. Constitué d’une feuille de papier pliée en deux, il évoque l’objet livre. La littérature est-elle aussi une source d’inspiration ? Vous inspirez-vous de certains livres comme de certaines œuvres peintes, et si oui, quelle différence faites-vous dans ce travail d’interprétation entre les deux médiums ?

A.S. : Vous touchez un point sensible ; je ne suis pas un assez grand lecteur à mon goût, c’est même pénible à dire ! Cependant, beaucoup de livres ont jalonné ma vie et l’ont profondément marquée.
Mais vous évoquez « l’objet livre ». La mise en page, les marges, l’épaisseur du papier utilisé, le format sont des sujets d’attention et d’inspiration permanents. J’ajouterai à cela la question de la reproduction. C’est un élément central de mon travail. Si mes peintures peuvent par moments être confondues avec des photographies, c’est par analogie avec les reproductions de tableaux dans les ouvrages que je consulte. J’aime beaucoup ce moment béni où l’on découvre dans un Musée un tableau que l’on a toujours connu en reproduction, surtout si celle-ci était en noir et blanc.

O.C. : Au-delà de ce support plié en deux, le pli a une grande place dans votre pratique car il vous arrive d’en tirer parti pour créer vos compositions. Puisque nous parlons d’influence, est-ce un hommage, et si oui, à quel artiste car ils sont plusieurs à avoir utilisé le pli ?

A.S. : Le pli est une arrivée récente dans ma pratique. C’est de façon fortuite que cet élément de vocabulaire a fait irruption dans mon œuvre. Au lieu de couper une feuille en deux, je l’ai, par paresse, pliée en deux, me promettant de réaliser la coupe plus tard. De la procrastination comme moteur créatif !
S’il me faut donner une référence, ce seraient les éditions José Corti avec leurs ouvrages non massicotés.

O.C. : Je suis très intéressée par le travail de Bernard Frize. Est-ce également votre cas, et plus globalement, nous avons parlé de vos devanciers, mais vous arrive-t-il d’interpréter vos contemporains ?

A.S. : L’œuvre de Frize m’intéresse depuis longtemps, même si je suis davantage attaché à sa production des débuts. La variété des propositions correspondait plus à l’idée que je me fais d’une peinture qui cherche sa, ses formes. Les surprises que cet artiste nous livrait alors m’enchantaient.
C’est une question délicate, mais la position « révolue et digérée » dans laquelle se trouvent les artistes du passé me touche davantage. Ce qui ne veut évidemment pas dire que je me désintéresse de l’art contemporain, bien au contraire, mais sur un autre mode que celui de « l’interprétation ». Même si je pense la peinture bien vivante, je ne peux m’empêcher de penser à sa/ses fins, à l’histoire de ses achèvements.