Texte extrait du catalogue de l'exposition: INSPIRÉ.E.S ACTE 1 PEINTURE - l'ar[T]senal - Dreux - 2021
La démarche esthétique d’Alain Sicard prend son origine dans une fascination pour les peintures de musées autant que pour leurs reproductions photographiques présentes dans les catalogues, cartes postales ou revues d’art. Sur un papier souvent brillant, la photographie parvient à imiter la texture de la peinture sans pouvoir déroger à la planéité de la surface. Dans son œuvre, l’artiste inverse le rapport : avec une matière brillante et sans relief, c’est la peinture qui imite les effets photographiques. Au début, il utilise la peinture à l’huile sur papier couché. En 2010, il change de support pour utiliser le Klöckner, un dérivé du PVC, qu’il privilégie au papier pour sa résistance à l’humidité et sa tenue. Alain Sicard, travaille sa surface sans images préconçues. Il appose d’abord des touches de couleurs directement sorties du tube puis les asperge de solvant, tantôt pour mieux étaler la couleur, tantôt détruire l’ensemble et créer une « boue picturale » qui tient alors de nouveau point de départ. Le protocole, invariable, se répète ainsi plusieurs fois, ponctué par le temps de décision de l’artiste qui, en quelques minutes, doit faire le choix capital de poursuivre ou de s’arrêter.
Il faut lire la peinture d’Alain Sicard à la manière d’un carnet de bord. Cherchant à s’inscrire dans une histoire de la peinture, chaque œuvre se veut être la reproduction de lumières, touches ou couleurs, qui dans les tableaux de ses pairs, ont su retenir son attention. Se nourrissant des tableaux originaux et de leurs reproductions autant que des changements subtils qui interviennent entre les deux, l’artiste s’approprie l’iconographie muséale en l’utilisant comme terreau de création. Loin de toute ambition figurative, il extrait l’émotion, cherche le détail et laisse le fragment se perdre en abstraction. Ne reste que la matière pure, ses effets, son mouvement et sa couleur, qui ensemble constituent à la fois le détail et le tout. Au fil de ses déambulations, l’artiste établit sa mémoire de la peinture à la manière d’un inventaire entretenu par un chercheur : reprenant le format, la technique et l’année de création, les titres de ses œuvres l’ancrent dans une démarche scientifique. En essayant d’être fidèle à cette dernière, la sélection présentée pour l’exposition propose un échantillon d’œuvres de 2012 à 2019 afin de rendre sensible une pratique de plus en plus radicale. L’ensemble constitue ainsi – à l’instar de l’intégralité de son œuvre – un recueil de sensations, un archivage attentif et patient des émois d’un artiste passionné parcourant musées, galeries et livres d’art.
|