Communiqué de presse de l'exposition avec Renée Levi - galerie Bernard Jordan - 2022

Chez Renée Levi et Alain Sicard la peinture est indépendante du signe, quand bien même elle en fait usage. Elle n’est guère plus un jeu, quand bien même tout en elle se veut ludique ; la peinture des deux artistes est un geste, un agencement à la fois libre et contraint qui ne se soucie guère d’être ni pudique ni retenue.

Le point de départ est toujours de l’ordre de la contrainte. Il s’agit alors d’en faire bon usage. Ce sont tour à tour les matériaux, la temporalité, le rapport entre la surface à traiter et la quantité de peinture qu’il reste dans le pot ou sur le pinceau. La peinture devient alors affaire de libération. La gestuelle mène à la concentration, l’épuisement au lâcher-prise, la couleur choisie à la couleur vue.

Ce rapport à la peinture se nourrit de tout ce qui l’entoure : s’il est fonction de l’atelier, il est aussi fonction de l’humeur, des hasards du jour et de la couleur des chaussures du voisin, de l’intuition, de la tendinite qui revient, de l’amertume du café… Ainsi, chaque peinture ne dit qu’une seule chose : « Il y a peinture ». Tout le reste est fioriture et éléments de contexte, et, paradoxalement, c’est ce qui en fait le sel.

Car c’est là que la peinture agit, loin de tout grand récit, avec régularité et spontanéité. Dans l’espace de la toile où ce qui importe n’est jamais ni un slogan ni un message, mais une suite de considérations évaporées depuis longtemps au moment où l’observateur prend connaissance de l’œuvre. Il y a donc une dualité dans ces œuvres. Elles sont tout autant une désacralisation de l’art qu’une jouissance de celui-ci. Car il ne saurait y avoir d’autre finalité dans les œuvres de ces deux artistes que celle de l’expression du plaisir : le plaisir surgi dans l’apparition d’une présence colorée, un crénelage bleu, une grande étoile rouge évidée, la sensation étalée d’un ocre qui se perd dans un jaune, un vert.

Benoît Blanchard